Jadis, chaque village avait un forgeron pour réparer les outils, les ciseaux, les
grilles et autres portails. De nos jours, ils sont beaucoup moins nombreux.
Pierre, le maître des lieux, a choisi ce métier rare et perpétue son savoir-faire et son art à travers d'étonnantes créations.
Féru d'histoire, il a transformé l'ancienne demeure en gîte dans les règles de
l'art: en lui fabriquant des chaînages, un gratte pied, restaurant des serrures
anciennes...
Ou comme ce petit dragon qui tient la tringle et dont la tâche est d'éloigner les
mauvaises esprits. Loin de la porte. Loin du gîte. Dans tous les cas, on l'espère
bien.
Des pognées de porte, des serrures, des verrous, des ferrures... Des objets
s'accumulent. Des objets anciens. Des objets orphelins.
Pierre est un serrurier hors pair. Il est non seulement habile de ses mains. Il
a une imagination créatrice qui lui permet de voir les objets du quotidien
autrement.
J'ai grandi près d'une mère qui passait des soirées entières derrière la machine
à coudre ou avec des aiguilles à tricoter pour habiller notre famille. C'était à
l'époque soviétique, à l'époque où les magasins étaient vides. Ma mère m'a
appris à tricoter, à coudre, à faire du crochet.
Pour mon premier bal, je me suis confectionnée ma première robe à l'âge de 14
ans. Une robe pour danser comme je l'avais dessinée.
La cheminée du XVI avec le four à pain, l'évier ancien en pierre, la tomette agée de 300 ans ont retrouvé leur seconde jeunesse.
Si dans certaines familles les enfants naissent avec une petite cuillère en argent
dans la bouche, les nôtres sont nés avec une truelle dans la main.
Jean-Mary, le fils aîné, suivait son père dans tous les travaux de rénovation. En
restaurant le gîte à l'âge de 7 ans, il a appris non seulement à préparer du
ciment, à enduire les murs, à faire une chappe, à nettoyer la tomette. Il a appris
à aller jusqu'au bout dans ses passions.
Gitane Testi, la dernière fierté de Jean-Mary.
Les premiers temps il était un jardinier-amateur, passionné de la cuisine,
de la pêche, de la forge et un mordu de la restauration des deux-roues
anciens. A 14 ans, il restaurait des solex et des mobylettes. A 17 ans, il a
démonté une moto italienne des années 70 Gitane Testi, l'a repeinte, lui a
fabriqué des pièces et l'a mise en état de marche. A 29 ans, il est maçon de
métier et restaure durant les week-ends sa propre grange en la transformant
en maison d'habitation.
Danil, notre second fils, a vu naître le gîte quand il avait un an. Il a poursuivi
l'affaire familiale en construisant toute une rue de cabanes: dans l'arbre, puis
sur terre avec des palettes, en terminant par un petit "gîte" en parpaings.
A 22 ans, il est pâtissier diplômé et nous gâte souvent par des douceurs
tourangelles.
Pierre a forgé pour le gîte des meubles, rampes, tringles... Tous sont des pièces
uniques fabriquées sur mesure. Comme ce meuble pour lavabo qui est conçu
pour y suspendre des serviettes et pour y loger des trousses de toilette. Un détail
non moins important: ses volutes reprennent le dessin du carelage. Tout y est
pensé.
Cette girouette décore le toit du gîte. Elle représente la forge et deux
forgerons devant l'enclume. Le plus grand, c'est Pierre. Le second est
notre fils aîné Jean-Mary à l'âge de 9 ans.
La girouette ici est un symbole et une enseigne. "Vous êtes chez les
passionnés de la forge", - dit-elle.
Cette pendule est née d'une tomette, de quatre cailloux, du mécanisme d'un réveil et d'une fantaisie métallique. Ce carreau
singulier a été mis de côté lors des travaux, car il a gardé l'empreinte de son fabriquant: l'atelier de tomette à Perrusson, notre
commune. Pierre l'a sorti des oubliettes en lui confiant un nouveau rôle.
Il y a une sorte de magie dans le travail du forgeron, qui d’un informe lingot de métal sait tirer les objets indispensables à la vie quotidienne. Lui seul arrive à domestiquer les quatre éléments : la terre, d’où est extrait le minerai, le feu qui permet sa transformation, l’eau qui alimente la forge et l’air qui passe dans le soufflet.
La démonstration de la forge qui était gratuite et possible jusqu'à présent sur votre simple demande n'est pas envisageable pour le moment à cause des douleurs arthriques de Pierre.
Plus tard, j'ai appris à faire du macramé, de la broderie, du patchwork. Il y a eu l'enseignement des travaux manuels et des arts appliqués traditionnels dans une école russe. Ensuite, le travail de costumière pour une école de danse en France...Et enfin, la déco du gîte.
Lors de la décoration du gîte, j'avais besoin pour le séjour d'un tapis douillet,
solide, non salissant, d'une gamme de couleurs précises et qui s'accorderait
avec le style d'une maison paysanne.
Après de longues recherches infructueuses, les tapis tressés que ma grand-
tante fabriquait à partir de nos vieux vêtements me sont venus à l'esprit. Je l'ai
souvent observée travailler et sa technique me paraissait accessible. J'ai eu
donc envie de faire revivre son savoir-faire.
Ce travail a duré plus de 3 mois, beaucoup plus que je n'y ai pensé. Mais le résultat vaut tous mes efforts. Le tapis a maintenant
21 ans, mais il n'a pris aucune ride!
-Vous cherchez une maison à restaurer? Tenez! J'ai une ruine à Poiré! - avec ces paroles d'un notaire a commencé l'histoire de la Roselière et l'histoire de notre famille.
Pierre, amoureux des vieilles pierres, habile de ses mains, a réussi d'insuffler la vie aux batisses abandonnées pendant une trentaine d'années.
Nous avons d'abord transformé la grange datant le milieu du XIX s. en maison d'habitation. Puis, la maison de 1698, où logeaient autrefois les fermiers, en gîte.
Juin 1993. Le premier jour du netoyage.